Un peu d’histoire et quelques définitions :
EVARS pour Education à la Vie Affective Relationnelle et Sexuelle. On parle d’EVAR à l’école primaire puisqu’il n’y est nullement question de sexualité. La première circulaire sur la mise en place de cet enseignement date de 2003. Elle indique que chaque élève doit bénéficier tous les ans de 3 séances d’Education à la Vie Affective Relationnelle (et sexuelle à partir du collège).
Si dans les années 1980, l’EAS avait pour but de lutter contre MST ou les grossesses non désirées ; aujourd’hui faire de l’EVARS c’est travailler sur le climat scolaire.
Aujourd’hui il y a les réseaux sociaux et toute la communication (orale ou virtuelle) est très sexualisée. Dans les séances, on part toujours du vocabulaire exprimé par les élèves sans aller au delà.
L’EVARS aujourd’hui :
Le programme qui sera en vigueur à la rentrée vise à réduire inégalités entre établissements car dans la réalité, il y a ceux qui mettaient en place les 3 séances obligatoires depuis 2003 et les autres.
Dans l’opinion publique, la perception de l’EVARS est faussée car la plupart des adultes n’ont pas vécu cet enseignement en tant qu’élèves. Ils peuvent donc être sensibles aux nombreuses campagnes de désinformation sur l’EVARS, colportant l’idée qu’on valorise telle ou telle pratique sexuelle, ou qu’on ne respecterait pas le développement psycho-affectif des enfants.
Une séance est prévue pour aborder un thème précis et les sujets sont abordés en tenant de compte des capacités des élèves. Par exemple, si sur une classe 2 élèves utilisent un terme, on demande aux autres (sans le définir) s’ils en ont déjà entendu parler. Si très peu d’élèves en ont entendu parler, le terme ou le sujet ne sera pas défini pendant cette séance là mais on précisera à celles et ceux ont soulevé le sujet qu’on est disponible pour en parler avec eux à un autre moment. En dehors de ces cas-là, on laisse s’exprimer les élèves avec leur propre vocabulaire afin de pouvoir déconstruire les concepts qui sont derrière.
22 ans après la circulaire, enfin des programmes pour la rentrée scolaire 2025 !
Les programmes précisent les notions et compétences à travailler pour chaque niveau. Il comporte également des pistes pédagogiques. Il y a 3 axes qui peuvent être reformulés ainsi : moi, moi et les autres, moi et la société. Ils sont pensés pour être progressif de la maternelle à la terminale. Les thèmes récurrents sont le consentement, la lutte contre les discriminations et l’usage des réseaux sociaux. Cette dernière thématique est essentielle car
Les violences sexuelles naissent à la maison, s’épanouissent à l’école et explosent en ligne !
L’animation de ces séances n’est pas de la responsabilité des personnels infirmiers, des associations et des profs de SVT mais bien de toute la communauté éducative. La co-animation est préconisée car elle permet de croiser les regards et d’être plus vigilants sur les réactions des élèves pendant les séances. La mise en place de ce programme induit la protection juridique du personnel. C’est un élément important car certaines familles peuvent être très vindicatives. Cela permet de réaffirmer que cet enseignement est conforme aux valeurs de la République et ne saurait être contesté ou évité. Il n’est pas possible de soustraire son enfant de l’école le jour d’une séance d’EVAR(S) pas plus que le jour où la théorie de l’évolution est présentée en SVT.
Comment favoriser la mise en place de l’EVARS ?
Les associations :
Les associations peuvent être un soutien à la mise en place et un partenaire pour aborder certaines thématiques ou développer des projets. Elles doivent obtenir un agrément pour pouvoir intervenir dans les établissements scolaires. A titre d’exemple, le planning familial s’est intéressé très tôt à EVARS. L’avantage du monde associatif c’est que les intervenants sont des inconnus pour les élèves. Cela facilite souvent les contacts et la libération de la parole. Il faut cependant toujours un agent au moins de l’Education Nationale pour gérer la séance et après l’intervention. Il faut également être vigilant sur les associations qui veulent faire passer des valeurs qui leurs sont propres et pas forcément en accord avec valeurs de l’école. Ces dernières sont minoritaires. Au planning familial, il existe une charte nationale qui permet une certaine garantie.
Un zoom sur… la culture du viol
Si on vous dit « hier soir un viol a eu lieu à Toulouse ». On imagine alors une scène de nuit où homme disgracieux, un peu marginal et en état misère sexuelle surgit entre deux poubelles dans une ruelle sombre et mal famée. Il se jette sur une jeune femme, habillée avec une jupe « trop courte » et qui avait peut être un peu bu. En utilisant la surprise et la violence contre cette femme, il a une relation sexuelle avec elle puis s’enfuit dans la nuit. Dans la réalité, ce n’est quasiment jamais cette situation. La plupart des victimes de viol connaissent leurs agresseurs, ce sont en général des hommes bien intégrés socialement et dont certains sont par ailleurs en couple et ne sont pas dans une « misère sexuelle » qui les autoriserait à se soulager sur la première personne croisée.
Le scénario qui nous vient en tête est un exemple de la culture du viol : un ensemble de préjugés et de clichés qui nous cache la réalité et renvoit en général honte et culpabilité sur les victimes tout en excusant les agresseurs.
L’écoute active permet de déconstruire notre regard, nos attentes et dans ce cas concret de démonter la culture du viol en remettant à leur juste place agresseurs, victimes et circonstances.
La culture du viol imprègne complètement notre société. On la retrouve dans la culture populaire (films, séries, musique…) et elle se décline dans les comportements de nos élèves (interactions et jeux). Par exemple, le jeu de l’olive et dans sa version actuelle Naruto, banalise les agressions sexuelles voire les viols (pénétration par surprise). Mais cette culture du viol est également institutionalisée dans la culture scolaire élitiste via l’étude des classiques littéraires comme les liaisons dangereuses.
Toutes et tous les acteurs de l’Ecole sont concernés et peuvent agir :
L’EVARS n’est pas là pour convaincre mais pour faire réfléchir, permettre le débat. Cela suppose parfois de laisser s’exprimer les élèves même si les propos exprimés sont illégaux. C’est le cas par exemple lors des séances autour de l’homophobie. Dans ce cas les intervenantes et intervenants doivent cadrer et expliquer pour que les élèves puissent déconstruire par la suite leurs préjugés.
Le conflit n’est pas un problème tant qu’on est capable de sortir de l’affect.
Imaginons, si tous élèves bénéficiaient de toutes les séances prévues, ça changerait quoi à notre société ?
Dans ce cas, bien des choses changeraient : notre rapport à l’autre, notre capacité à accepter l’existence de l’autre, à créer des passerelles avec l’autre. Cela va bien au-delà de la sexualité. Nous aurions probablement des individus épanouis, des élèves plus pacifiés et capables de participer aux apprentissages.
Quels sont les freins à la mise en place de l’EVARS ?
La formation :
Il n’y a pas de CAPES d’EVARS, ce sont donc des compétences supplémentaires qui nécessitent de la formation à la fois sur les contenus des programmes et sur les techniques d’animation des séances, mais également sur la posture et les conduites à tenir lorsque certains élèves se livrent et révèlent les agressions qu’ils subissent.
Malheureusement, la formation continue va plutôt mal. Une piste possible est de demander une Formation d’initiative locale (FIL). Il faut au préalable constituer une équipe sur un établissement ou en élargissant à un bassin. Les besoins sont variables d’un établissement à l’autre en fonction du public mais aussi de l’état du réseau associatif.
Les personnels infirmiers ou CPE peuvent être formés sur leur temps de travail contrairement aux enseignants qui doivent se former sur temps de congés scolaires (sauf pour les FIL).
Le financement :
A l’échelle d’un établissement, 2 intervenants X 3 séances X le nombre de classes représente un sacré paquet d’heures … et en face AUCUN financement n’est prévu nationalement. Il faut donc négocier au cas par cas, des HSE, du pacte, des IMP… Mais ces sources de financement se tarissent également. Il faudrait que l’état se donne les moyens de mettre en place cet enseignement !